LA TERREUR N’EST PAS MORTE (David Duquesne)

La Terreur n’est pas morte : de la guillotine à la mise à mort par procuration en passant par la fatwa maquillée

Chapô

On les a traités de racistes, de fascistes, d’islamophobes, de blasphémateurs, d’extrémistes. Puis d’autres ont pris le relais, couteau, kalachnikov ou fusil en main. Rushdie poignardé, Paty décapité, Charlie Hebdo massacré, le pogrom du 7 octobre 2023, Charlie Kirk abattu : toujours la même mécanique. Mais aussi, les chrétiens de Minneapolis massacrés dans leur église — dans cette logique où la haine structurelle légitime l’acte. On ne tue plus directement, on désigne, on stigmatise, et on laisse les fanatiques exécuter. C’est la Terreur par procuration, bénie par la gauche morale et son catéchisme diversitaire.

Il y a plus de deux siècles, la France révolutionnaire inventait une mécanique politique redoutable : tuer au nom de la vertu, exécuter par amour de l’humanité, frapper d’avance pour prévenir la contre-révolution. L’échafaud n’était pas présenté comme une vengeance, mais comme une purification, une prophylaxie morale. Saint-Just, implacable, en avait livré la formule : « Ce qui constitue une République, c’est la destruction totale de ce qui lui est opposé. »

Ainsi naissait une logique qui irrigue encore notre modernité : l’ennemi n’est plus jugé pour ce qu’il a fait, mais pour ce qu’il est, ou pire, pour ce qu’il pourrait devenir. La suspicion devient preuve, l’intention supposée tient lieu de crime. On n’exécute plus seulement des coupables, on supprime des possibles.

Aujourd’hui, les échafauds ne se dressent plus sur les places publiques. Mais l’esprit de la Terreur demeure. Ce n’est plus le couperet qui tranche, mais l’anathème. La sanction n’est plus la mort physique, mais la mort sociale. On n’envoie plus les dissidents à l’échafaud, on les voue à l’oubli : interdits de parole, effacés des réseaux, bannis des amphithéâtres et des plateaux.

La gauche morale, qui jadis se voulait émancipatrice, s’est hissée en une religion séculière. Ses tables de la loi sont écrites en langage de droits, d’égalité, d’inclusion. Y contrevenir, c’est blasphémer. Or, dans une religion, on ne débat pas avec l’hérétique : on l’excommunie. Celui qui questionne le dogme devient suspect ; celui qui sort du cercle de la raison est sommé de se taire.

Cette Terreur nouvelle est douce. Elle ne fait pas couler de sang, mais détruit des réputations, ruine des carrières, arrache des voix au chœur démocratique. Elle tue symboliquement, et parfois plus sûrement que ne le faisait jadis la lame : car le mort disparaît, mais l’exilé social demeure vivant, réduit à l’impuissance, à la honte, à l’inexistence publique.

Il y a plus grave encore. Car cette Terreur ne se contente pas de tuer symboliquement : elle fabrique les conditions du meurtre réel.

Il suffit d’un mot, d’une étiquette : “raciste”, “islamophobe”, “fasciste”. Dès lors, l’individu n’est plus un contradicteur, mais un danger public. La parole ne le protège plus ; elle le condamne. Il devient gibier, désigné aux chiens.

On le sait depuis l’assassinat de Samuel Paty, professeur d’histoire décapité pour avoir montré des caricatures dans le cadre de son cours. On le savait déjà avec les écrivains et les artistes : Salman Rushdie, frappé par une fatwa en 1989, grièvement poignardé en 2022 ; les dessinateurs de Charlie Hebdo, abattus en janvier 2015 après des années de menaces, sous les huées de certains qui, comme Guy Bedos, lâchèrent un « Qu’ils crèvent ». On se souvient aussi du CFCM, ayant déposé plainte contre les caricaturistes et braqué les projecteurs sur les dessins plutôt que sur la menace islamiste — une façon subtile d’endosser la logique des bourreaux. Une fatwa maquillée.

Et aujourd’hui, c’est Charlie Kirk qui a été abattu lors d’un débat universitaire. Chrétien conservateur, pacifiste, amoureux du dialogue, catalogué d’office à l’extrême droite ; on l’a caricaturé comme un fasciste. Il suffisait d’un extrémiste nourri par ces anathèmes pour transformer la cible rhétorique en cible réelle.

Récemment, un autre épisode terrible est venu illustrer cette mécanique : les chrétiens de Minneapolis ont été pris pour cible lors d’un carnage commis dans une église-collège catholique pendant une messe scolaire. Plusieurs enfants et paroissiens ont été tués et blessés. Ce massacre, qualifié de terroriste et de crime de haine, a été couvert d’un voile bienveillant par certains progressistes, évoquant un acte désespéré contre un système homophobe ou patriarcal. Comme pour d’autres cas, la violence n’était déjà plus un accident : elle était rendue possible par l’atmosphère idéologique ambiante, où le chrétien — avec le sioniste — est devenu le mal absolu dans la rhétorique progressiste.

Cette même logique a éclaté au grand jour lors du pogrom du 7 octobre 2023, lorsque des centaines de Juifs furent massacrés et que des femmes furent violées par les commandos du Hamas. On aurait attendu une condamnation unanime, sans nuance, des milieux progressistes, du show-business, des féministes. Elle ne vint jamais. Le crime fut relativisé, minimisé, noyé dans le discours victimaire sur “la colonisation” et “la résistance palestinienne”. Les victimes juives ne comptaient pas, car dans la grille idéologique dominante, le Juif est devenu bourreau par essence. L’horreur des viols ne souleva aucune indignation féministe, car les femmes violées étaient juives, donc invisibles. Là encore, la Terreur par procuration fonctionnait : désigner la cible, puis détourner le regard quand l’exécution survient.

Voilà le point commun : Paty, Rushdie, Charlie Hebdo, Kirk, les chrétiens de Minneapolis, les Juifs du 7 octobre. Tous ont été désignés avant d’être frappés. Tous ont porté une cible collée dans le dos par une rhétorique qui les transformait en ennemis publics. Tous ont payé le prix d’une mise au ban morale, d’un langage qui ne tue pas directement, mais prépare les conditions du crime.

Et cette logique prospère dans une atmosphère où une violence diversitaire systémique est tolérée, excusée, blanchie par le vocabulaire de la révolte sociale et de l’antiracisme. Les émeutes, les incendies, les agressions — souvent commis par des franges érigées en intouchables par la gauche morale — se voient requalifiés en “expression légitime de la souffrance collective”. La brutalité devient représentation, et la menace physique s’entoure d’un vernis de légitimité.

De 1793 à 2025, le ressort est identique : la certitude qu’on incarne la vertu, et que tout ce qui s’y oppose doit être éradiqué. Hier, on guillotinait pour prévenir le retour de l’Ancien Régime ; aujourd’hui, on stigmatise, on brûle, on tue — tout cela au nom d’un “antifascisme” qui se voudrait rédempteur.

La Terreur n’est pas morte. Elle hante encore la République. Mais elle ne s’y limite plus : elle a contaminé toutes les gauches occidentales, des campus américains aux parlements européens, des plateaux télé aux festivals du show-business. C’est désormais une matrice globale, un réflexe pavlovien qui désigne, isole et laisse d’autres exécuter. Une vertu qui, à force de vouloir purifier, finit toujours par détruire.

David Duquesne

11/09/2025


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